13

Elle souleva la main qu’elle maintenait collée sur sa bouche et prit une brève respiration. Je suis calme, à présent, se dit-elle en s’efforçant de s’en convaincre. Je peux faire face. Elle avait soudain envie de se faufiler dans une matrice pour n’en sortir que lorsque John aurait tout arrangé. Mais c’était impossible. Il fallait qu’elle réfléchisse et prenne des décisions. Assez pleuré. Elle tenta d’imaginer à quel point ce serait humiliant si John la découvrait dans cet état. L’idée de son mépris lui permit de se ressaisir. Elle prit une profonde inspiration et s’appliqua à relâcher la tension accumulée dans les muscles de ses épaules.

Elle regarda la pendule et une nouvelle vague de panique la submergea. Une deuxième heure s’était écoulée, et il n’était toujours pas revenu ! « Maudit John ! J’espère que vous êtes mort ! » lança-t-elle.

Instantanément, elle le regretta. Est-ce que la navette était équipée d’un mouchard, comme on le disait pour certains vaisseaux ? Elle fut envahie d’une satisfaction ironique : même si la navette en était pourvue, il y avait des chances qu’il ne fonctionne pas. La moitié des systèmes était encore en panne. Et même s’il en existait un et qu’il marchait, l’enregistrement de son infraction ne bougerait sans doute pas d’ici et pourrirait avec elle. Cette perspective lui tira un sourire amer et, curieusement, lui procura un certain réconfort.

« O.K., se dit-elle calmement. Il est temps de prendre la décision suivante. Tu peux te débrouiller, Connie. »

Il aurait été plus intelligent de garder les casques, mais cet idiot de John avait réglé la question. Ils avaient tous deux été exposés à l’air et si l’un tombait malade, l’autre le serait sans doute aussi. Encore la faute de John. Il était vraiment stupide, et elle était d’autant plus en colère que pendant un temps elle l’avait cru très intelligent. Et où pouvait-il bien être ? Elle avait tenté de l’appeler par radio, jusqu’au moment où elle s’était aperçue que le casque de cet imbécile, avec son récepteur, était sur le fauteuil du pilote. Une autre preuve de la capacité de prévision de son génial commandant.

Elle s’interdit de regarder la pendule. S’efforça de penser à quelque chose de constructif qu’elle pourrait faire. Mais elle avait effectué depuis longtemps toutes les mesures possibles. Elle avait été très soulagée quand elle avait réussi à remettre l’ordinateur en marche, jusqu’à ce qu’il lui communique un rapport des dégâts. Aucune avarie majeure, mais une liste de petites pannes qui, additionnées, constituaient un problème grave. Le système biologique le résoudrait en grande partie en reconstituant les données par le biais des cellules mémoire. Elle avait déjà lancé le processus, mais l’ordinateur estimait le temps de réparation à soixante-seize heures. Et il y avait cette angoisse constante concernant les déchirures du revêtement de la navette. Elle était déjà sortie pour les cicatriser, mais il était impossible de savoir quelles formes de vie indigène avaient déjà pénétré, ni quel effet elles auraient sur les biostructures de l’aéronef. Elle avait commandé le lancement des systèmes immunitaires, mais il était impossible de prévoir ce qui allait se passer.

L’ordinateur émit un appel interrogatif.

« Rapport ! commanda-t-elle sèchement.

— Complet ou résumé ? » demanda l’ordinateur.

Avait-elle besoin d’écouter l’interminable chapelet des résultats numériques de tous les systèmes de cet aéronef ? Non. « Bon, uniquement en rapport avec la demande, à moins qu’il n’y ait d’autres informations prioritaires. En existe-t-il depuis le dernier rapport ? »

Il y eut un temps d’attente. Autre souci, le temps de réaction de l’ordinateur avait significativement augmenté. « Aucun », répondit-il enfin.

« A-t-on détecté des éléments biologiques étrangers dans le système ? »

Autre pause, encore plus longue. « Aucun détectable pour le moment, mais la procédure d’alerte est encore en fonctionnement.

— Poursuivez l’alerte. La vérification du système intervaisseau est-elle terminée ?

— Il reste quatre tests à effectuer. »

Bon sang. Ces tests auraient dû être terminés si l’ordinateur fonctionnait à plein régime. « Des dysfonctionnements ont-ils été détectés ?

— Aucun. »

Cette voix monocorde commençait à l’agacer. Elle regrettait que Tug ne soit pas là pour servir d’interface et lui faire un rapport concis. Elle mourait d’envie d’entendre sa voix. Elle soupçonnait de plus en plus que la radio de la navette n’avait jamais été en panne, mais refoula ses soupçons. Cela signifierait que quelque chose n’allait pas du côté d’Évangeline, et Connie préférait ne pas y penser. Il valait mieux s’en tenir au rapport ennuyeux de l’ordinateur.

« Température extérieure ?

— Vingt-sept degrés trois. »

La chaleur baissait. C’était réconfortant. Au dernier rapport, la température était de vingt-neuf. Depuis qu’elle avait rétracté le toboggan et refermé le hublot, la température intérieure de la navette était restée chaude sans être inconfortable. Elle était sortie trois fois pour chercher John. À chaque fois, les radiations solaires l’avaient obligée à rentrer. Les radiations solaires. C’est ainsi qu’elle voyait cette chaleur beaucoup trop intense par comparaison avec l’ensoleillement modéré de Castor, et impossible à qualifier de lumière solaire.

John était dans cette fournaise. Et elle ne savait ni où, ni pourquoi. Avait-il été attaqué et entraîné par un animal ? C’était la seule raison qu’elle pouvait imaginer pour justifier sa disparition.

À chacune de ses sorties, elle s’était forcée à faire le tour complet de la navette en scrutant l’horizon dans toutes les directions. Aucun signe de John. Dans une étendue de terrain aussi dénudé, elle l’aurait vu s’il s’était éloigné à pied. Les douces ondulations de la terre sèche et rouge ne pouvaient dissimuler un homme debout. Ou était-ce possible malgré tout ? Mais il n’y avait que le vent léger chargé d’une odeur désagréable qui lui rappelait les blocs de protéines, ces vilaines plantes qui s’accrochaient à ses bottes et la terre rouge à perte de vue.

Elle ferma les yeux pour ne plus voir ces images mentales déprimantes et avala sa salive. Finalement, elle comprenait. Maintenant. À chaque condition qui engendrait la vie sur cette planète correspondait une condition qui s’y opposait. Et ce qui survivait était le résultat de cette sélection par la difficulté. À chaque fois qu’elle faisait un pas, elle se demandait quelles toxines contaminaient ses bottes. On ne pouvait éviter de marcher sur les plantes vivantes, tant leur profusion était désordonnée. Elle s’était efforcée de ne pas faire attention au petit crissement produit quand elle écrasait leur structure vulnérable sous son poids. Ce qui était encore plus déconcertant, c’est que certaines se redressaient derrière elle, sans paraître souffrir de son agression. Là où s’était posée la navette, les buissons écrasés exhalaient une odeur piquante. Elle n’avait vu aucun animal, mais se demandait si elle saurait les reconnaître si elle en voyait. Il y avait un crissement persistant, d’origine indéterminée, qui augmentait avec la chaleur, mais elle s’était dit que c’était le bruit du vent dans les formations géologiques. Rien de vivant ne pouvait produire en continu un son aussi agaçant et omniprésent.

Le Conservatoire avait raison. La Terre était désormais une planète morte, à l’exception de ces buissons grisâtres. La vie animale, sous des milliers de formes, pullulait jadis sur cette planète. Elle était désormais déserte, il n’y avait que des roches rouges et du sable. Sans aucun doute, si des animaux d’une certaine taille avaient subsisté, elle les aurait vus dans la plaine sans relief. Elle n’avait pas beaucoup insisté sur l’histoire naturelle de la Terre au cours de ses études. Pourquoi étudier quelque chose qui n’existait plus ? Mais elle avait un vague souvenir d’immenses troupeaux de gros animaux dans une plaine de ce genre. Eh bien, il n’existait plus rien de tel à présent. Elle ne savait pas trop si elle en était soulagée ou déçue.

Mais s’il ne restait plus d’animaux vivants, qu’était-il arrivé à John ?

Elle en avait assez de tourner en rond dans sa tête. Assez, également, de la culpabilité secrète qui la rongeait. Elle devrait partir à sa recherche. Peut-être s’était-il aventuré hors de vue, pour une raison idiote, et avait ensuite été foudroyé par les radiations solaires. Peut-être était-il couché quelque part dans une dépression du terrain, déshydraté, la peau brûlée, inconscient… Mais enfin, elle n’avait aucun moyen de savoir dans quelle direction chercher. Tout ce qu’elle pouvait faire si elle sortait, c’était de prendre le risque de se brûler et de se déshydrater, elle aussi.

Pour s’occuper l’esprit, elle se dirigea vers le tableau de contrôle et appuya sur les touches. La vue du casque de John sur le fauteuil renouvela son irritation. Quel idiot ! Tout ça était probablement le résultat de son entrée dans la puberté. « Aucune expérience d’adulte ne peut empêcher l’adolescence des attitudes quand les hormones commencent à se manifester… » Elle se rappelait cette phrase dans une pièce de théâtre, une farce mettant en scène deux copains de la même génération qui entraient ensemble dans la puberté. Farce ou non, c’était la description exacte du comportement de John. Adolescent irresponsable et imprévisible. Autant ne plus penser à lui et essayer de faire ce qu’elle pouvait. « Ici la navette Arcadie, j’appelle l’Anilvaisseau Évangeline… Ici la navette Arcadie, à tous ceux qui m’entendent. Répondez, s’il vous plaît ? »

Elle écoutait le silence. Stupide. La balise d’urgence était en marche depuis des heures, et personne ne les avait contactés. La Terre n’était évidemment pas située sur les itinéraires commerciaux. En fait, elle ne voyait aucune bonne raison pour que quelqu’un vienne dans les parages, à part d’avoir une mission idiote pour aller vérifier une planète morte. Elle se pencha pour fermer le contact.

Au premier coup sourd, elle sursauta convulsivement. Elle sauta du fauteuil et écouta, parfaitement immobile. Le coup se répéta, sourdement, sur le hublot d’accès. Le cœur battant, elle s’approcha pour actionner les charnières intérieures. Le hayon s’ouvrit et John tomba à l’intérieur.

Sa peau était d’un rouge virulent et uniforme. Il avait quitté sa tunique pour la nouer autour de sa tête, sans doute pour se protéger du soleil, mais cela n’avait pas servi à grand-chose. De petites protubérances gonflées parsemaient son dos et ses chevilles nues. Elle s’écarta de lui, de peur de le toucher.

Avec un immense effort, il se mit à genoux et pénétra à quatre pattes dans la navette. Sans savoir ce qu’elle faisait, Connie referma le hayon derrière lui. Il s’était laissé tomber par terre sur le côté. Il roula sur le dos en gémissant quand sa peau entra en contact avec les lattes du parquet. Il la regarda et ses yeux paraissaient très pâles dans son visage rougi. De toutes petites ampoules lui parsemaient le nez et les pommettes.

« À boire », dit-il.

Elle lui apporta une bulle d’eau dans laquelle elle introduisit la paille. Quand elle vit qu’il allait boire le litre entier, elle en sortit un deuxième. Il soupira en posant la bulle vide, puis prit la pleine et se mit à arroser sa tunique. Il gémit de douleur en s’en tamponnant le corps, puis poussa un soupir en étendant le tissu mouillé sur son dos. Il se pencha pour gratter ses chevilles gonflées de boutons. Il gratta de toutes ses forces, jusqu’à faire saigner. « Non, ne faites pas ça », le supplia doucement Connie, qui avait enfin retrouvé la voix. Elle saisit une trousse médicale et s’agenouilla près de lui, mais ne put que la lui tendre. Elle n’avait jamais été très douée pour soigner les blessures.

John ouvrit un flacon de produit anti-inflammatoire et commença à en appliquer sur chaque bouton. « Il y avait ces animaux minuscules, dit-il soudain, d’une voix presque normale. Ils volaient. Et ils n’arrêtaient pas de venir se poser sur moi. Je pensais qu’ils étaient curieux, c’est tout. Mais ils m’ont laissé ces cloques. Je crois que leurs pattes doivent secréter un acide ou quelque chose de ce genre.

— C’est dégoûtant, dit faiblement Connie.

— Ils étaient tellement minuscules, continuait doucement John d’une voix songeuse. Mais vivants. Ils avaient des pattes aussi fines que des cheveux, et des ailes aussi transparentes que le plus fin des bio-films. Connie, les animaux sont tellement bizarres… Pas du tout comme je le croyais. Je ne suis pas encore très sûr de comprendre comment ils fonctionnent. Mais ils ne sont pas du tout comme les plantes, ni comme les Humains. Je suppose que j’aurais dû le savoir, mais tant qu’on ne les a pas vraiment vus, en fait… »

Son regard devint vague et il vacilla doucement sur son siège.

« Où êtes-vous allé et pourquoi ? » demanda-t-elle, sans attendre vraiment de réponse sensée. Il avait visiblement perdu la tête.

« J’ai suivi un oiseau », dit-il. Il se tourna vers elle avec un sourire béat. « Je l’ai suivi jusqu’à l’endroit où il y avait une profonde déclivité du sol. Et savez-vous ce qui m’attendait là ? L’océan. J’ai glissé, j’ai roulé presque jusqu’au bord. Oh, l’odeur, comme le plus grand laboratoire chimique qu’on puisse imaginer. On sent l’odeur de la vie. L’eau est de toutes les couleurs, et elle bouge. Entièrement, d’un seul coup. Elle bouge d’une manière que les photos ne peuvent pas montrer. Connie, l’eau est vivante. »

Il sourit de nouveau et, atterrée, Connie vit ses yeux se remplir de larmes. Puis il s’allongea, très lentement, très doucement, et s’endormit.

 

Le Justicier solitaire et Tonto arrivèrent en haut de la colline et découvrirent la large vallée qui s’étendait à leurs pieds. C’est là, comme l’avait avoué Black Bart quand ils l’avaient capturé, que se trouvait Mabel, la fille du fermier, ligotée sur la voie ferrée. Ils arrêtèrent leurs chevaux et la regardèrent avec horreur. On voyait déjà le panache de fumée noire du train se détacher sur le ciel bleu. Le soleil tapait dur et ils avaient le nez et la bouche secs et pleins de poussière. Les chevaux, grands et musculeux, s’agitaient avec inquiétude. La pente était presque abrupte, la descente allait être difficile.

Le Justicier solitaire regarda Tonto. « Nous devons sauver Mabel, lui dit-il. »

[Il n’y a pas de sentier. Nous pourrions nous blesser.]

« Tant pis. Il faut risquer le tout pour le tout. »

[Pourquoi ?]

« Parce que nous sommes des héros. »

La réponse eut l’air de la satisfaire. Le Justicier solitaire émit un soupir de soulagement en regrettant de lui avoir appris la question « pourquoi ? ». C’est tout ce qu’elle semblait savoir dire, ces derniers temps.

Il encouragea du talon son grand étalon noir. (Sans éperons. Tonto avait été bouleversée à l’idée d’utiliser des éperons.) Et ils commencèrent à descendre la pente rocailleuse et glissante en direction de la vallée. Des nuages de poussière se soulevaient sur leur passage et leur coupaient la respiration, et les cailloux que délogeait le cheval de Tonto dépassaient le Justicier solitaire en bondissant avec fracas. Dans le lointain, on distinguait maintenant le train lui-même, qui arrivait en soufflant sur les rails brillants. Les chevaux dégringolèrent tant bien que mal le reste de la pente et, soudain, ils se retrouvèrent dans la vallée.

« Plus vite ! Dépêchons-nous ! » cria le Justicier solitaire en éperonnant à nouveau…

[En talonnant]

En talonnant à nouveau son cheval, et le puissant étalon bondit en avant, suivi de Tonto et Éclaireur. Ils galopèrent frénétiquement dans la vallée rocailleuse, sautant des buissons d’armoise et slalomant pour éviter les trous de mine. Les chevaux avaient l’écume aux lèvres…

[Pourquoi ?]

« Ben, parce que les chevaux ne peuvent pas cracher. »

Devant eux, ils voyaient Mabel se débattre pour tenter de se débarrasser des cordes que Black Bart avait utilisées pour la ligoter sur les rails. Sa robe bleu pâle voletait légèrement dans la brise. Ils approchaient, mais la locomotive aussi. Couvrant son teuf-teuf haletant, le Justicier solitaire et Tonto entendaient les appels à l’aide affolés de Mabel. « Plus vite, mon beau », cria le Justicier solitaire à son cheval. Derrière lui, il entendait Tonto encourager Éclaireur.

[Maximise tes efforts, cheval !]

Les sabots des chevaux touchaient à peine le sol dans leur course était éperdue. Mais la locomotive approchait de plus en plus. Arriveraient-ils à temps pour sauver Mabel ? Ils n’en savaient rien. Ils savaient seulement qu’ils devaient être prêts à tout pour la sauver.

[Pourquoi ?]

« Parce que nous sommes des héros ! »

[Tonto arrêta son cheval]

« Qu’est-ce qui se passe ? »

[Ce semblant n’est pas si bien que celui des beignets. Les images sensorielles sont moins riches.]

« D’accord, je vais faire un effort. Ils portent des gants et ils sentent les rênes des chevaux qui guident le mors dans leur bouche. Si bien que lorsque les chevaux bougent la tête, les cavaliers sentent les rênes qui leur coupent les doigts… »

[Il y a encore quelque chose de différent.]

« Peut-être parce que pour les beignets, c’est quelque chose que je faisais vraiment quand j’étais petit. Bien sûr, je n’achetais pas tout le magasin, mais je mangeais des beignets, des tartes, et j’allais faire des courses, et je parlais vraiment à ma mère à table et tout ça… »

Mais tu n’as jamais été le Justicier solitaire.

« Exact, mais j’ai déjà monté un cheval. Et mon père était un fan du Justicier solitaire, il avait toute la série en vidéo, et je les regardais en boucle. Il avait aussi les films de Zorro, de Disney, et Pancho et Cisco, et quelques épisodes du feuilleton Agence tous risques… »

[Pourquoi sommes-nous le Justicier solitaire et Tonto ?]

« Parce que tu m’as demandé pourquoi il fallait sauver la navette, et pourquoi j’étais si content quand tu l’as fait… quand on l’a fait. Parce que tu voulais savoir ce que voulait dire être un héros, et pourquoi je voulais en être un. »

[Je ne comprends toujours pas. Pourquoi les héros font-ils ça ?]

« Pour être sympa avec les autres. Pour faire ce qui est bien. Pour se sentir bien. Si une Anile était en danger et t’appelait à l’aide, tu irais l’aider. Et tu te sentirais bien, non ?

[On se sent bien quand on mange. Quand on se touche. Mais mettre son corps en danger de démembrement, ça n’a pas de sens. Et aller aider une autre Anile en danger, je crois que ce serait interdit. Je ne comprends toujours pas.]

« Bon, mais si tu arrêtais de m’interrompre, je pourrais peut-être te montrer ! »

Raef commençait à être fatigué, et la tension faisait son effet. Il se referma sur lui-même du mieux qu’il put et fit appel à ce qui lui restait de patience et de forces. Il y avait des trucs qu’elle apprenait si facilement, et d’autres qu’elle semblait incapable de saisir, quoi qu’il fasse ! Pourquoi était-ce justement ça qu’il voulait lui faire comprendre ? En se concentrant, il sentait son cœur battre. Et chaque battement signifiait qu’une seconde de plus était passée, en temps réel, temps où les Humains de la surface de la Terre empoisonnée pouvaient mourir.

Il sentait qu’elle tentait de le joindre, comme un jeune enfant qui le tirerait par la manche. Il revint vers elle.

[S’il te plaît, ne pars plus. Je n’interromprai plus nos semblants.]

Raef se figea intérieurement. Comme c’était simple de l’avoir. La nuance plaintive de sa communication lui fit soudain prendre conscience de l’importance qu’il avait désormais pour elle. Pour lui faire faire ce qu’il voulait, il n’avait qu’à rompre le contact avec elle. La faire marcher, comme la maîtresse qui fait mine de ne pas voir l’enfant désobéissant, ou des enfants qui en excluent un autre parce qu’il ne veut pas faire comme eux…

Non.

« Excuse-moi, Évangeline. Je ne voulais pas t’abandonner. Et si tu as besoin d’interrompre pour demander des explications, n’hésite pas. Ça ira. »

Silence.

[Tu as changé ce que tu me demandes ? Tu me permets d’interrompre ?]

« Bien sûr. Pas de problème. C’est ta seule façon de demander quand tu as besoin. Et c’est normal que je te réponde, c’est ce que je dois faire. Exactement comme quand on fait semblant. Un héros, c’est ça. Donner aux gens ce dont ils ont besoin, leur rendre service. C’est bon pour les gens qu’on aide, et c’est bon pour soi aussi. »

Raef attendit et ne put, en fin de compte, pas distinguer si la stupéfaction venait d’elle ou de lui.

[Ça te fait du bien, de me laisser faire ce dont j’ai besoin pour comprendre ?]

« Bien sûr. C’est comme quand nous faisions semblant, quand la mère de Raef se sentait bien parce qu’elle s’occupait de Raef et lui faisait plaisir. »

Il percevait un enthousiasme contagieux, un esprit sur le point de découvrir, de comprendre.

[Alors, nous continuons de faire semblant ?]

« D’accord. On en était où ? »

Le cheval était soudain là, sous lui, puissant et chaud, le soleil tout aussi chaud. Avec un sursaut, il s’aperçut qu’elle avait continué l’action sans lui, que le train s’était rapproché de Mabel, qu’il était bien trop près. Ils n’y arriveraient jamais. Comment diable allait-il gérer la situation ? Si le train écrasait Mabel, il ne savait pas s’il serait capable d’expliquer la mort à Évangeline. Il fallait arrêter ça. Mais c’est Évangeline qui avait pris en main le scénario, et il ne pouvait arrêter le train par un simple effort de volonté. Il talonnait frénétiquement Vif Argent, mais le grand étalon était déjà à la limite de ses forces. Le visage de Mabel était un masque blanc de terreur, la bouche rouge ouverte dans un cri.

Ils devançaient encore la locomotive, mais il l’entendait gagner du terrain. Quelle explication allait-il donner à Évangeline quand le train écraserait Mabel ? Mais cette idée était à peine formulée dans son esprit qu’il sentait que la simulation la rejetait. À présent, ils étaient à la hauteur de la locomotive. Jamais on n’avait vu un cheval aller plus vite qu’un train ! Il s’efforça de changer le scénario, de faire que le conducteur du train voie Mabel et ralentisse. Au lieu de quoi, juste à sa gauche, il vit apparaître le museau d’Éclaireur. Piqué au vif, il vit son acolyte remonter à sa hauteur, puis Tonto le dépassa. Ses longs cheveux noirs flottaient derrière elle. Le vent de la course lui fermait presque les yeux. Une seconde avant la locomotive, Éclaireur franchit les rails d’un bond et, à cet instant, Tonto se pencha et, d’un même mouvement trancha les liens de Mabel et la saisit dans ses bras. D’un bond aérodynamique, Éclaireur emporta Tonto et Mabel de l’autre côté de la voie, en sécurité.

Comme dans un rêve, Raef se vit voler de son esprit les actions qu’il avait prévues, dans une interprétation surhumaine. Il tira sur les rênes pour arrêter Vif Argent tandis que le train passait comme une flèche entre Tonto et lui, traînant dans son sillage son chapelet de wagons chargés de voyageurs. Le fourgon de queue passa sur les chapeaux de roues et un mécanicien hilare agita bêtement sa lanterne dans leur direction. Elle était en train de piller son imagination, lui volait au hasard des images de trains pour compléter le scénario. Dans un moment de terreur étourdissante, il se rendit compte qu’elle avait complètement pris le contrôle de la simulation et qu’elle pouvait le plonger dans n’importe quelle expérience qu’elle puiserait dans son esprit, avec tous les détails d’une perfection horrifiante.

Le train les avait dépassés et disparaissait au bout de la voie. Et Raef, stupéfait, avait envie de rire et de crier à la fois. De l’autre côté des rails, Mabel se faisait réconforter dans les bras de Tonto. Éclaireur avait déjà pris tout seul un beignet dans la boîte de carton blanc posée sur la table. Table qui était même recouverte d’une nappe à carreaux rouges.

« Tu ne peux pas faire ça ! » protesta le Justicier solitaire. Mais il sourit en descendant de cheval et s’adjugea un éclair au chocolat.

[Si, on peut. On est des héros. Les héros peuvent faire tout ce qu’il faut pour aider les autres. Et, Raef, ça fait du bien. C’est vrai.]

Raef, alias le Justicier solitaire, passa les pouces dans la ceinture de son revolver et pivota sur les talons de ses bottes de cow-boy. « Tout homme doit faire ce qu’il peut, je suppose », dit-il à Tonto. Et Tonto lui sourit en caressant les cheveux de Mabel.

 

Ils auraient dû inclure une protection anti-défaillance dans le système. Tug s’en rendait compte à présent, et se demandait si un autre Arthroplane y avait déjà pensé. Sans doute que non. Dans toutes les archives de l’histoire de sa race, il n’existait aucun incident similaire à celui qui le concernait. Ou alors, il n’y avait eu aucun survivant pour en parler.

Tug avait terminé une compilation de tout ce qu’il avait appris sur les Aniles. Aucune des données physiques ou psychologiques qu’il avait rencontrées ne pouvait expliquer ce qui se passait avec Évangeline. Elle aurait dû être extrêmement malheureuse et totalement terrorisée de ne plus avoir de contact avec lui. Elle aurait dû le supplier de lui parler au lieu de refuser ses ordres. Les Aniles étaient naturellement grégaires, et vivaient en troupeau avant que les Arthroplanes ne modifient les habitudes de vie de leurs partenaires en les domestiquant. Elles étaient d’une nature simple et docile et ne demandaient guère plus à leurs maîtres que de les distraire et les féliciter. Leur intelligence innée était fort limitée, mais elles étaient capables d’apprendre, si on leur répétait la leçon indéfiniment. Au début, un expérimentateur avait fait l’effort d’augmenter le niveau d’intelligence de cette manière, mais n’avait abouti qu’à produire une Anile frustrée et irritable qui avait dû être euthanasiée. De l’avis général, l’expérience avait été jugée irresponsable et mal avisée : une telle modification de la nature était désormais interdite. Des Aniles plus âgées manifestaient des symptômes similaires vers la fin de leur vie professionnelle, mais Évangeline n’était ni surentraînée, ni vieille. Tout cela n’avait aucun sens.

Et il ne pouvait absolument rien faire.

L’usage judicieux de la douleur ne provoquait aucune réaction. Tug voulait réfléchir avant de passer à un niveau de douleur plus radicale. D’une part, il lui fallait laisser à son propre arsenal chimique le temps de se renflouer. D’autre part, il voulait envisager les possibilités qu’il lui restait au cas où un niveau supérieur de douleur ne provoquerait plus de réaction.

Les Humains l’auraient considéré comme un parasite au sein d’Évangeline. Il en était conscient. Les Arthroplanes préféraient tenir compte de la connexion intellectuelle plutôt que de la dépendance physique, et qualifiaient cette relation de symbiotique. Privé de contact mental avec Évangeline, la seule méthode qui lui restait pour la gérer était son arsenal chimique. Il pouvait la forcer à obéir en lui injectant une douleur, calmer ses inquiétudes grâce à des sédatifs, et même réprimer ses instincts de reproduction pour contrôler la population anile. Tout cela par répression. Il ne pouvait stimuler ses zones de plaisir, si toutefois les Aniles en possédaient. Le seul appât qu’il pouvait lui proposer était sa compagnie. Comment se faisait-il qu’elle n’en ait soudain plus besoin ? Qu’est-ce qui pouvait rivaliser avec ça ? Il se disait que s’il trouvait la réponse à cette question, il aurait peut-être une idée de la façon de reprendre le contrôle.

 

Finalement, elle l’avait touché. Elle ne pouvait pas soulever le corps de John, à cause de la pesanteur, mais elle l’avait tiré dans une position plus confortable et lui avait mis un coussin sous la tête. Elle l’enveloppa d’une couverture, plus pour cacher les affreuses piqûres animales que pour autre chose, et se demanda ce qu’il avait fait de sa combinaison spatiale. Allaient-ils risquer un décollage sans l’avoir récupérée ? Puis elle resta un instant à le regarder dormir d’épuisement.

Il avait l’air différent, et ce n’était pas seulement à cause de sa peau rougie. La puberté. Pas étonnant qu’il fasse des choses stupides. Le poil sur ses joues était un peu plus court que sur son crâne, et de la même couleur. Ses cils étaient plus longs et recourbés sur ses joues quand il dormait. Sa mâchoire était plus carrée, du moins c’est ce qui lui semblait. Peut-être avait-elle toujours été comme ça. C’était dur de se rappeler comment il était quand elle avait été engagée. Elle ne l’avait pas beaucoup regardé à ce moment-là. Ça lui faisait tout drôle de le dévisager sans avoir à craindre qu’on la surprenne.

Au bout d’un moment, elle s’aperçut qu’elle avait hâte qu’il se réveille. Pas pour lui parler, mais pour la décharger de sa responsabilité. Le poids en était trop lourd. En admettant cette idée, elle se vit obligée d’agir. Elle se leva et tenta à nouveau de contacter Tug par radio. L’ordinateur lui apprit que la radio fonctionnait et que des réparations biologiques étaient en cours, comme prévu. Cette information, sans raison précise, lui sembla plus déprimante que rassurante. Elle s’adossa dans le fauteuil devant la console de communication en se demandant ce qu’elle devait faire. L’angoisse lui tordait l’estomac d’une douleur peu familière. Il lui fallut quelque temps pour la reconnaître.

Elle avait faim. Il y avait des années qu’elle n’avait pas éprouvé de véritable sensation de faim. Tout, dans la matrice et à bord du vaisseau, était fait pour assouvir ses besoins physiques avant qu’elle n’en ait conscience. Mais ici, ce serait différent. Elle était éveillée, et seule. Il allait falloir qu’elle s’occupe d’elle-même.

Elle vérifia le placard contenant les rations. Il y avait largement de quoi nourrir deux personnes pendant dix jours. Elle sortit un plateau-repas et une bulle d’eau et revint au fauteuil. Les rations étaient peu appétissantes. Quatre barres à mâcher, identiques. Probablement conçues pour être facilement consommées dans n’importe quelles circonstances. Le goût insipide ne risquait pas d’inciter à la surconsommation. C’était plus pour exercer ses maxillaires qu’autre chose, mais elle les mangea jusqu’au bout et but entièrement la bulle d’eau avant d’absorber les emballages gélatineux. Elle se laissa aller contre le dossier. Bon, une chose de faite. Et maintenant ?

John dormait encore paisiblement. Elle ne l’aurait jamais cru auparavant, mais elle aurait maintenant accueilli avec joie une compagnie, quelle qu’elle soit. Elle soupira, et se retourna pour fixer le paysage décourageant.

Dehors, l’obscurité était tombée. La morne plaine rouge était devenue brun rouille sous un ciel gris foncé. Les buissons gris-vert n’étaient plus que gris à présent, et disposés sur une multitude d’ombres noires. Elle n’aurait pas cru que le paysage puisse devenir plus laid, mais si. Les cieux avaient un aspect oppressant, lourd, tandis que la plaine semblait attendre, tourmentée et épuisée. Soudain, tout prêt de l’aéronef, quelque chose surgit de l’ombre d’une plante et fila à découvert jusqu’à un autre buisson. C’était de la taille d’une balle d’enfant, et rebondissait de la même façon. Aussi brutalement qu’elle avait surgi, la chose disparut, avant même qu’elle puisse en distinguer les caractéristiques. Était-ce dangereux ? Était-ce capable de manœuvrer le système de fermeture de la porte, d’attendre l’obscurité totale pour tenter ensuite de pénétrer dans la navette et les attaquer ?

Connie sentait vibrer la paroi de son estomac. Elle se pencha tout près de la vitre, se força à scruter, mais la créature s’était à nouveau cachée. L’éclair d’une blancheur aveuglante qui survint la prit totalement par surprise. Elle se lança en arrière pour s’éloigner de la vitre et roula sur le sol. Elle venait à peine de heurter John que la navette tout entière fut secouée par un rugissement terrifiant qu’elle sentit dans tous ses membres. Elle hurla tandis que la fenêtre se brouillait en commençant à fondre.

« Que se passe-t-il ? Que se passe-t-il ? » John s’était réveillé en sursaut. Elle s’accrocha à lui avec un cri incohérent, puis réussit à montrer du doigt la vitre qui s’obscurcissait.

« Là-bas, dehors. Un animal. Je l’ai vu. Et ensuite nous avons été frappés par une sorte d’explosion… »

Au moment même où elle parlait, il y eut un nouvel éclair blanc bleuté, qui fixa sur sa rétine le profil de John. Elle serra les paupières de toutes ses forces et se blottit contre lui. Elle sentait son cœur cogner. Après un instant de terreur intense, juste au moment où elle osait rouvrir les yeux, la navette trembla sous un nouvel impact. Le roulement sourd résonna autant dans son ventre que dans ses oreilles. Elle se força à se tourner vers la fenêtre pour regarder.

Elle sentit la main de John se resserrer sur son épaule. « Le tonnerre et les éclairs. Il s’agit d’un orage. C’est tout. » Il la lâcha et se précipita vers la vitre pour regarder de tous ses yeux.

La pluie, se dit-elle, abasourdie. La pluie qui ruisselait sur la fenêtre, qui donnait l’impression que le verre était en train de fondre. Le tonnerre et les éclairs. C’était tout, bien sûr. N’empêche que l’orage qui cinglait leur vaisseau et la plaine environnante ne ressemblait à rien de ce qu’elle avait vécu sur Castor, sa douce planète. Au bout d’un moment, elle rassembla son courage et rampa aux côtés de John pour regarder avec lui.

Le vent fouaillait la plaine, aplatissant sur le sol une partie de la végétation. Une pluie diluvienne la redressait. Connie voyait la force des gouttes qui martelaient le sol avant d’être immédiatement absorbées. Un instant, le vent mollit, pour ensuite frapper à nouveau avec encore plus de violence. Connie vit un buisson déraciné bousculé par l’orage comme un jouet. Ses racines noires et dénudées s’accrochaient lamentablement à la terre et ses branches s’agrippaient désespérément à celles de ses compagnons, mais le vent l’arracha, impitoyable.

Elle jeta un coup d’œil à John et vit son front plissé. Même lui ne semblait pas préparé à être témoin d’une violence naturelle à cette échelle. Quand la foudre frappa une nouvelle fois, ils tressaillirent tous les deux et s’écartèrent de la fenêtre.

John la regarda un instant. Il tendit la main vers l’interrupteur de fermeture du volet afin de ne plus voir l’orage et alluma l’éclairage intérieur de la cabine.

« Non », demanda doucement Connie. C’était illogique. L’orage l’effrayait, mais la fascinait en même temps. Son énergie avait quelque chose de stimulant, d’exaltant. Elle se sentait bien, à l’abri dans la navette, alors qu’il faisait rage dehors, avec juste un soupçon de crainte que la navette ne résiste pas à sa force déchaînée. Mais il y avait en outre l’excitation et le plaisir que cela lui procurait. Comme si la furie qu’elle devait constamment retenir en elle pouvait enfin s’épancher. C’était son premier sentiment d’appartenance à l’univers extérieur. Assise sur le bras du fauteuil de John, elle regardait le monde se déchirer dans la lumière des éclairs et mugir dans les roulements de tonnerre, tandis que le crépuscule cédait la place à la nuit.

L’espace intérieur de la navette semblait rétréci, environné par la nuit et l’orage, et éclairé seulement des faibles lueurs du tableau de contrôle et, de temps à autre, par l’explosion soudaine d’un éclair. La pluie et le vent se mêlaient en un rythme presque hypnotique de sons et de mouvements. Elle se laissa aller plus profondément dans le fauteuil, sentant toute la lassitude de la journée se muer en une douce chaleur qui détendait ses muscles. Elle n’avait jamais imaginé que le repos puisse procurer une telle sensation de plaisir. Mais il est vrai qu’elle n’avait jamais été aussi fatiguée physiquement.

Elle avait presque oublié John quand sa voix rompit le monologue de l’orage. « On dirait que vous avez pris le relais et totalement maîtrisé la situation. » Il s’interrompit. « Merci. Et félicitations. »

Dans le noir, il était plus facile de réagir à la voix douce de John. Elle ne sursauta pas. Elle se contenta de parcourir du regard la console de contrôle et se rendit compte qu’il avait raison. Toutes les indications affichées étaient dans les normes, les réparations biologiques se poursuivaient aussi bien que prévu, et le signal de la balise d’urgence clignotait toujours avec insistance. Tout ce qu’il était possible de faire, elle l’avait fait. Efficacement. Sans supervision. Et John la félicitait. Elle prit conscience du poids et de la tiédeur pressés contre son flanc gauche et s’aperçut qu’ils avaient tous deux glissé au fond du fauteuil depuis un certain temps. Quelques heures plus tôt, le simple contact de sa hanche et de son épaule aurait été parfaitement impensable. Mais l’orage, l’obscurité et la présence de la terre à l’extérieur rendaient tout cela naturel.

« Merci », finit-elle par répondre à son compliment.

Il rit doucement, ou peut-être toussa-t-il. Le son était le même et elle était trop bien, dans cette douce tiédeur, pour que la différence lui importe. Elle poussa un profond soupir, ultime exhalaison de la tension de la journée écoulée.

Elle l’entendit prendre une inspiration.

« Connie, il faut que je vous dise quelque chose. »

Elle se raidit au ton de sa voix.

« Quoi ? demanda-t-elle.

— Oh, rien de bien grave. Détendez-vous. Ça attendra demain. De toute façon, il n’y a rien que nous puissions faire. C’est juste que je me sentirais plus tranquille si vous étiez au courant. »

Elle perçut l’hésitation dans sa voix et comprit qu’il lui cachait quelque chose. Mais elle se sentait soudain trop fatiguée et trop bien pour s’en soucier. « D’accord », acquiesça-t-elle sans insister. Et elle regarda fixement l’orage à l’extérieur jusqu’au moment où elle sentit ses yeux se fermer.

Alien Earth
titlepage.xhtml
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_000.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_001.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_002.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_003.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_004.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_005.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_006.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_007.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_008.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_009.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_010.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_011.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_012.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_013.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_014.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_015.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_016.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_017.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_018.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_019.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_020.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_021.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_022.html
Lindholm,Megan-Alien Earth(1992).French.ebook.AlexandriZ_split_023.html